Le Criquet N°269 - Le Rock peut-il limiter la casse?
Voici mon dernier rédactionnel paru dans le Criquet magazine N°269 de novembre 2023 en page 4.
Le Rock peut-il limiter la casse?
Mais pourquoi certains musiciens cassent-ils leur guitare sur scène ? Un instrument de musique, c’est à priori précieux et fragile. Et pourtant, Il arrive parfois que l’adrénaline et l’énergie d’un groupe soient telles qu’on assiste à la destruction hystérique de cet instrument en public. Sacrifice ultime de l’objet sonore dans un rituel discutable ou pulsion borderline pathologique… Difficile en tous cas de dire précisément quand cette mode a commencé même si Jerry Lee Lewis serait le premier artiste rock à avoir arrosé d’essence son piano avant d’y mettre le feu en plein milieu d’une chanson. Le groupe britannique The Who a ensuite pérennisé la tendance : lors d’un concert particulièrement intense, le guitariste Pete Townshend, brisa involontairement le manche de sa guitare contre le plafond bas de la scène. Le public devint alors si enthousiaste qu’il continua de fracasser sa guitare par terre pour faire le show. Devant l’insistance des fans, The Who prirent cette habitude destructrice et coûteuse à chaque show si bien que le groupe dut même s’endetter pour perpétuer le spectacle. Depuis les années 60, cette posture est devenue un mythe pour nombre de groupes tels que The Clash ou encore Jimi Hendrix, qui, en 1967, alla jusqu’à mettre le feu aux débris de sa guitare sur la scène de l’Astoria à Londres. Et c’est Matthew Bellamy du groupe Muse qui détient le triste record de 140 guitares détruites en une seule tournée. Si ce geste ultime intervient souvent sur scène dans un moment d’émotion forte, il peut aussi symboliser une forme de déclaration artistique ou politique comme le groupe Nirvana qui exprimait ainsi sa frustration face à l’exploitation commerciale de sa musique. Mais le spectacle fait commerce et en mai dernier, la guitare brisée sur scène par feu Kurt Cobain, leader du groupe Nirvana, a été adjugée 600.000 dollars lors d’une vente publique au Hard Rock Café de New York. Difficile pourtant de cautionner ce rituel quand on sait que ces guitares de prix sont créées avec passion par des luthiers à partir de bois patiemment séchés depuis 20 ans. En ces temps de sobriété énergétique, la tendance semble heureusement avoir disparue.
Olivier Mesnier, Professeur de guitare et musicien