Le Criquet N°258 - Quand le la donne le ton
Voici mon dernier rédactionnel paru dans le Criquet magazine N°258 de novembre 2022 en page 4.
Quand le la donne le ton
Lorsqu’on veut jouer d’un instrument de musique, un bon accordage est indispensable. Dans le cas contraire, les accords que l’on produira seront aussi dissonants qu’un klaxon vintage et les notes produites sonneront irrémédiablement faux. Depuis 1975 environ, c’est devenu très simple car l’apparition de l’accordeur électronique permet même au musicien qui n’entend rien de pouvoir régler son instrument parfaitement! Avant les années 1980, on avait pour habitude de s’accorder à l’aide d’un diapason. C’est un petit outil métallique, ressemblant à une fourchette à deux branches. Une fois percuté, il se met en vibration et produit le son de référence : le diapason. Cette note de référence est fixée depuis 1953 par la Conférence Internationale de Londres, à la hauteur absolue de 440 Hertz, soit un la ³ qui correspond aussi à la tonalité du téléphone. Cette norme est aujourd’hui généralement adoptée, mais certains ensembles baroques ou quelques pianistes modernes utilisent un autre diapason pour des raisons de sonorité ou de lutherie propres aux instruments anciens (luths, violes, clavecin…). Avant 1953, les musiciens s’accordaient autour d’une hauteur relative qui était fonction de la région ou de la ville dans laquelle ils jouaient. Il n’existait pas de notes à hauteur fixe, seuls les intervalles entre les notes devaient être respectés. L’approximation était la norme : ainsi, au XVIIͤ , le la de Haendel n’était pas du tout le même que celui de Bach. Comme personne n’était d’accord, des discussions commencèrent vers 1830 pour établir une convention car les orchestres commençaient à voyager en dehors de leurs frontières. Dans l’ancien temps, les Chinois avaient d’ailleurs tenté une norme en construisant des instruments témoins (cloches ou tubes de bambou conservés au palais impérial). Le Japon avait, quant à lui, fixé des mensurations précises de longueur et de perce des tubes de flûte. Mais ces précautions se limitaient à la musique rituelle uniquement. Aujourd’hui, les musiciens commencent à s’affranchir de cette norme universelle imposée du la à 440 Hertz. Le diapason aurait tendance à augmenter afin de rendre la sonorité des instruments plus brillante. Cette dérive vers l’aigu se remarque surtout pour les pianistes solistes, souvent accordés à 442 Hertz, et les groupes de musique moderne. Le débat est loin d’être clôt mais l’essentiel est que la musique soit belle à entendre.
Olivier Mesnier