Le Criquet N°277 - Un destin hors normes
Voici mon dernier rédactionnel paru dans le Criquet magazine N°277 de juillet 2024 en page 4.
Un destin hors normes
Asturias : voici un titre emblématique de la guitare, un morceau qui transporte immédiatement dès ses premières notes. Ce prélude issu de la suite des Chants d’Espagne et inspiré par le flamenco andalou, fut composé par Isaac Albéniz un peu avant 1892. Cette œuvre, qui porte aussi le titre de Leyenda, est une des plus belles pièces pour la guitare. Et pourtant, Isaac Albéniz n’est ni guitariste, ni andalou. C’est un pianiste catalan de génie, né le 29 mai 1860. Si les morceaux d’Albéniz sonnent si bien transcrits du piano à la guitare, c’est parce qu’ils sont pour la plupart colorés par l’influence du flamenco et par les rythmes de l’Espagne. Aucun des parents du pianiste n’est musicien et pourtant, dès l’âge de 4 ans, initié par sa sœur, Isaac donne son tout premier concert sur la scène du Théâtre Romea de Barcelone. Un concert si incroyable que des gens allèrent jusqu’à vérifier si un autre pianiste n’était pas caché derrière le rideau de la scène. Entré à sept ans au Conservatoire de Paris, il est vite renvoyé car jugé trop inattentif. Lorsque Isaac a à dix ans, son père perd son emploi et veut faire de son fils un nouveau Mozart l’exhibant dans toute l’Espagne pour renflouer la famille. Enfant terrible et à peine âgé de treize ans, il n’hésite pas à monter clandestinement dans un bateau. Pour payer son voyage, il donnera des concerts les yeux bandés ou joue parfois dos au piano. Il parcourt seul ainsi pendant deux ans la côte américaine de Rio à New York, en passant par Cuba, vivant de ses tournées triomphantes. Revenant en Europe, il tente de courtes études au conservatoire de Leipzig puis de Bruxelles mais sa mauvaise conduite met un terme à son apprentissage. C’est en 1883, marié, qu’il se fixe à Barcelone pour composer et éduquer ses cinq enfants. Peu reconnu par son pays natal, il décide de quitter l’Espagne en 1890. Le couple s’installe d’abord à Londres puis à Paris en 1893. Albéniz se lie d’amitié avec Claude Debussy, Vincent D’Indy, Gabriel Fauré et s’investit avec ardeur dans la composition. Peu après avoir été décoré de la Légion d’Honneur, Isaac Albéniz meurt à quarante-neuf ans, d’une malade rénale le 18 mai 1909 dans les Pyrénées atlantiques.
Olivier Mesnier, Professeur de guitare et musicien