Le Criquet N°257 - Si le temps m'était conté...
Voici mon dernier rédactionnel paru dans le Criquet magazine N°257 d’octobre 2022 en page 4.
Si le temps m’était conté…
L’un des outils les plus utiles au musicien – au delà de son instrument – est sans doute le métronome. Cette boite qui fait “clic” ou “tic-tac” permet de donner un battement régulier à une vitesse définie. C’est avec cet appareil que l’instrumentiste s’entraine chaque jour pour travailler les passages difficiles, pour jouer en rythme et pour choisir la vitesse d’exécution. Pourtant, le métronome est apparu voici à peine deux cents ans. Avant cette date, les musiciens et les compositeurs utilisaient le chronomètre de Loulié (appareil mesurant le temps grâce à un poids oscillant au bout d’une ficelle). C’est à Amsterdam en 1812 que Dietrich Nikolaus Winkel inventa le premier métronome. Ce dernier n’aura malheureusement pas pris soin d’en déposer le brevet et ce sera le bavarois Johann Nepomuk Maëlzel qui laissera son nom à la postérité. Ainsi, Maëlzel part en Hollande en 1812 pour rencontrer le génial Winkel qui, sans le savoir, lui dévoile le fonctionnement de son métronome. Il rentre alors à Vienne puis met au point le célèbre métronome de Maëlzel et en déposera le brevet en 1815 au nez et à la barbe de l’infortuné Winkel. C’est Beethoven qui sera un des premiers à l’utiliser en publiant un livret d’interprétation de huit symphonies avec les premières indications métronomiques. Le succès du métronome est immédiat et l’Institut de France écrira: “Le métronome est à la musique ce que la boussole est à la navigation”. Il devient un indicateur précieux pour rester fidèle à une œuvre. Pourtant, peu après, il fera l’objet d’un débat sur une pratique trop mécanique de la musique allant à l’encontre de la virtuosité de l’artiste. Le même Beethoven dira alors :”Pas de métronome ! Celui qui a un sentiment juste n’en a pas besoin. Quant à celui qui en est dépourvu, le métronome ne lui sera d’aucune utilité”. Aujourd’hui, avec l’avènement de la musique électronique et des logiciels d’enregistrement, la pulsation isochrone (régulière) est incontournable. Mais un bon batteur de jazz aura tout l’art de jouer en rythme tout en s’autorisant une certaine liberté d’exécution. Alors métronome ou pas métronome? A mon avis, c’est très important de se libérer du rythme et de ne pas jouer “mécanique”, mais le prérequis est d’avoir le sens du rythme et d’avoir donc pratiqué intensément avec un métronome avant de s’en affranchir.
Olivier Mesnier